Lettre ouverte
Pour les membres du Collectif Coexister au Saguenay—Lac-Saint-Jean, il ne fait aucun doute que l’État québécois est devenu laïque depuis la Révolution tranquille. Côtoyant des personnes d’horizons variés, que ce soit pour leur origine, leur culture, leur religion ou tout autre particularité, le Collectif ne perçoit pas d’urgence à légiférer sur les « signes religieux » au point d’en proscrire le port de manière drastique et étendue. Plutôt que des interdits qui propagent un sentiment antireligieux, il nous semble que certaines balises visant à promouvoir le vivre-ensemble auraient pu généralement s’avérer suffisantes.
Nous estimons que les positions extrêmes fortement médiatisées face au projet de loi 21 ont pour conséquence d’exacerber les différences et la crispation identitaire au lieu de consolider le vivre-ensemble. Le climat social en est perturbé au point où les positions plus nuancées ne parviennent pas à jouer leur rôle de modération. Un projet de loi sur un tel enjeu de société devrait favoriser le plus grand consensus. La loi qui sera adoptée au terme du processus et son application ne devraient pas nourrir le sentiment d’exclusion ni la stigmatisation chez certaines minorités culturelles.
Or, nul besoin d’évoquer les attaques que s’adressent réciproquement les parties adverses pour saisir que la sérénité nécessaire à un tel débat est fragilisée. Cette situation a ses effets au sein de la population régionale, sur les réseaux sociaux et dans des lieux publics, allant parfois jusqu’à des gestes d’intimidation inacceptables. Ces nouvelles tensions sont entretenues par des compréhensions antagoniques de la notion de laïcité.
Nous vivons pourtant dans une région paisible où des groupes de la société civile et des instances publiques prennent les questions d’immigration et d’intégration au sérieux. Des initiatives pour une meilleure cohésion sociale se développent. Une coordination des actions pour le vivre-ensemble progresse vers l’élaboration de stratégies positives d’intégration.
Nous souhaitons vivre dans un Québec où les droits de chaque citoyen et citoyenne sont plus facilement accordés et défendus que limités et brimés. Nous comprenons que les interdits sont nécessaires pour assurer la sécurité publique. Cependant, nous ne voyons aucune urgence à user de mesures répressives qui contredisent des principes intrinsèques à la laïcité, à savoir la neutralité de l’État envers toutes les religions, la non-discrimination (égalité de traitement) à l’endroit des personnes, peu importe leurs croyances religieuses et, bien entendu, la liberté de conscience et de religion.
Le Saguenay—Lac-Saint-Jean a attiré aux XIXeet XXesiècles des « migrants » provenant de plusieurs localités du Québec et peu à peu d’ailleurs. Les pionniers avaient à cœur de créer « un royaume » qu’ils ont érigé sur une solide fraternité afin d’aménager le territoire et les milieux de vie pour en faire l’objet de notre fierté collective. Nous pourrions nous laisser inspirer par un tel esprit du vivre-ensemble en vue de bâtir notre avenir commun et en repoussant ce qui peut conduire à l’isolement et au repli. C’est pourquoi nous appelons les élu.e.s de la région, les divers groupes et toutes les personnes de bonne volonté à travailler avec plus de détermination pour favoriser les rapprochements et l’inclusion des individus et des familles qui choisissent de venir cohabiter avec nous sur ce magnifique territoire, avec ou sans loi sur la laïcité.
Ont signé : Réjean Bergeron, Marie Fall, Jocelyn Girard, Jayanta Guha, Mylène Renaud, Douglas Schroeder-Tabah, Emmanuel Trotobas, Stephen Whitney
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Pour information: Jocelyn Girard, 418-543-2006, p. 243