Texte d’une lettre collective que nous avons publiée dans Le Quotidien du 1er décembre 2020
OPINION / Le racisme se manifeste de diverses façons et il affecte concrètement un grand nombre de personnes dans une variété de situations. Le déchaînement de propos haineux et de menaces à peine voilées sur les réseaux sociaux devrait nous préoccuper en tant que société ouverte et inclusive. Les prétextes récents ne manquent pas : les Autochtones (Joyce), les musulmans (Loi 21) et les Noirs (mot en « N ») sont particulièrement touchés.
Par Christian Bélanger, Réjean Bergeron, Marie Fall, Lise Garon, Jocelyn Girard, Sylvie Pedneault, Douglas Schroeder-Tabah, Emmanuel Trotobas et Stephen Whitney, membres du collectif Coexister au Saguenay-Lac-Saint-Jean
Le 16 novembre dernier, une trentaine de personnes ont participé à une soirée d’échanges organisée par le collectif Coexister au Saguenay–Lac-Saint-Jean et ayant pour thème « Minorités : de la discrimination subie à la résilience mutuelle ». Nos quatre invités ont partagé leur expérience en tant que membres d’un groupe minoritaire ou majoritaire au Québec et leurs réflexions concernant la construction du vivre ensemble.
La triste histoire de Joyce Echaquan est devenue un symbole douloureux pour les membres des Premiers Peuples. Hélène Boivin, coordonnatrice du bureau politique à Mashteuiatsh, a rapporté que la discrimination envers les Autochtones remonte au début du capitalisme au Canada, quand les relations entre les peuples ont cessé d’être égalitaires et que l’exploitation des ressources naturelles est devenue déterminante pour le développement économique.
La population québécoise, qui a hérité de nombreux stéréotypes sur les Autochtones, ne semble pas toujours encline à faire la distinction entre les nouveaux arrivants sur le territoire, en particulier ceux qui sont identifiés à l’islam, et les violences qui sont le fait de mouvements extrémistes à l’international. C’est le constat qu’a fait Boufeldja Benabdallah, cofondateur du Centre culturel islamique de Québec. Comme lui, nous voyons dans la Loi 21 un potentiel de stigmatisation des musulmans, particulièrement les femmes.
Professeur à l’UQAC, Khadiyatoulah Fall pointe l’utilisation des mots et leur importance. « Les mots nous figent, nous empêchent de nous rencontrer. » Il constate que le « Québec est un pays d’ouverture » où le pluralisme des valeurs est bien vivant. Dans la foulée, il invite à penser à un avenir ensemble en cherchant à éviter d’importer ici les maux d’ailleurs, notamment de l’Europe ou des États-Unis.
Pour Camil Girard, historien retraité de l’UQAC, les Québécois aiment se présenter comme citoyens du monde. S’ils sont reconnus à l’origine comme l’un des peuples fondateurs du Canada, ils s’y sentent généralement traités à l’égal des immigrés, au moins linguistiquement. Il fait également remarquer que le Québécois porte en même temps le chapeau de colonisé et de colonisateur. Cette position s’avère inconfortable, mais il souligne l’importance que pour être bien avec les autres, il faut d’abord être bien avec soi-même.
C’est ce qui commence à se produire, selon Hélène Boivin, avec les communautés autochtones qui retrouvent peu à peu leurs langues et leurs cultures et se mobilisent pour le respect de leurs droits. En s’appuyant sur cette résilience, Boufeldja Benabdallah propose de prendre en considération les idées des communautés minoritaires dans les grands débats et de reconnaître la contribution des uns et des autres. Khadiyatoulah Fall croit qu’il faut savoir porter le souci d’héritage des Québécois, tout en favorisant un dialogue constant autour d’une culture commune à développer. Enfin, selon Camil Girard, si la langue française est un marqueur identitaire important pour tous les Québécois, ceux-ci ne peuvent s’épanouir sans reconnaître le vouloir-vivre distinct propre à chaque communauté.
Nous, du collectif Coexister au Saguenay-Lac-Saint-Jean, sommes d’avis que le racisme manifesté aux niveaux individuel et systémique ne disparaîtra que par les efforts déployés pour lui faire face aux mêmes niveaux. Ainsi, chaque fois qu’un propos haineux, méprisant ou discriminatoire est tenu et qui vise des membres d’une communauté minoritaire, que ce soit verbalement ou par écrit, dans notre entourage habituel ou sur les réseaux sociaux, il est vital d’y apporter une contrepartie bienveillante ou encourageant un autre regard.
En étant plus actifs, ensemble, dans la construction d’une société plus inclusive, nous pouvons offrir un avenir meilleur aux générations à venir, sans racisme ni discrimination.